Depuis quelques années, un nombre sans cesse croissant de pseudoéditeurs opérant selon le modèle du libre accès (open access) sollicitent des articles auprès des chercheurs, du professeur titulaire à l’étudiant, en les contactant par courriel. Le principe est fort simple : on vous écrit une lettre au ton très flatteur où on explique que, suite à la récente publication d’un de vos articles ou suite à une conférence donnée récemment, on vous a identifié comme un chercheur significatif tellement impressionnant qu’on voudrait que vous soumettiez un article dans la revue (…insérer ici un nom qui sonne bien… genre International Journal of blablabla Management), laquelle jouit d’un comité éditorial incroyablement brillant et de réviseurs ultras rapides. Bref, la totale!
Le mouvement du libre accès a pour objectif de réduire l’emprise des éditeurs académiques sur les coûts d’abonnement, en rendant accessible gratuitement les résultats de la recherche. Pour plusieurs revues adoptant ce modèle, c’est l’auteur qui paie une certaine somme pour couvrir les frais de publication de son article, de sorte que l’accès en soit libre et gratuit pour tous. Ce principe relativement récent se veut une réponse aux abus des éditeurs commerciaux qui font payer à prix d’or aux bibliothèques universitaires les revues contenant les résultats de travaux pourtant financés par les fonds publics et que les chercheurs-auteurs leur ont cédés pour rien du tout. Dans le système « classique », les fonds publics payent donc deux fois pour obtenir les résultats (Lire à ce sujet: Academic publishing: Open sesame).
Le modèle du libre accès est également très intéressant puisqu’il démocratise l’accès à la science. D’ailleurs, de nombreuses institutions à travers le monde ont signé la Déclaration de Berlin sur le Libre Accès à la Connaissance en sciences exactes, sciences de la vie, sciences humaines et sociales dont plusieurs au Québec. Un nombre croissant de revues de grand renom sont en libre accès (pensons notamment à PLoS One). Plusieurs organismes subventionnaires acceptent les frais de publication dans une revue en libre accès dans les demandes de subvention.
Malheureusement, certains de ces nouveaux éditeurs qui vous sollicitent en ronronnant exploitent le modèle de l’auteur-payeur à leur profit, en utilisant des méthodes qu’on pourrait facilement qualifier d’arnaques financière et scientifique. Ils ne représentent ni plus ni moins qu’une corruption du modèle. Les différents types d’éditeurs dits « prédateurs » susceptibles de vous solliciter sont présentés ci-dessous. En soumettant un article à l’un d’eux, vous aurez à verser quelques centaines de dollars pour « couvrir les frais de publication », mais, en retour, vous avez pratiquement la garantie que celui-ci sera accepté sans révision aucune par un comité de lecture (bien qu’on vous dise le contraire lors de la soumission). Un éditeur prédateur a tout intérêt à ajouter des articles à ses revues et à grossir les rangs de ses auteurs, afin d’augmenter sa masse critique et sa crédibilité et, par conséquent, son compte en banque. Entre autres pratiques frauduleuses pour gonfler leur contenu web, plusieurs de ces éditeurs plagient intégralement des articles parus ailleurs. Dans ce contexte, publier dans l’une de ces revues devient un risque pour votre réputation de chercheur.
Pire encore, le phénomène n’est pas sans danger pour la communication scientifique elle-même : The competition for author fees among fraudulent publishers is a serious threat to the future of science communication. To compete in a crowded market, legitimate open-access publishers are being forced to promise shorter submission-to-publication times; this weakens the peer-review process, which takes time to do properly. (Beall J, 2012)
Comme dans tout écosystème, il existe plusieurs variantes de l’éditeur prédateur.
Il n’y a pas de défense parfaite contre ces prédateurs, entre autres parce que, comme les virus, ils sont multiformes et ils évoluent constamment.
En retour, il faut ne pas perdre de vue que plusieurs nouvelles revues tout à fait respectables débutent modestement avant de devenir réputées. Nous n’affirmons donc pas qu’il ne faille pas donner la chance au coureur; nous recommandons cependant une bonne dose de prudence avant de vous lancer dans l’aventure.
Ou, mieux encore, consultez votre bibliothécaire…